Qu’est-ce qu’un texte pour vous ? (Dans le cadre d’un projet de livre d’artiste)
Un texte pour moi : c’est une voix parallèle à ma propre voix, c’est-à-dire à mon travail, une voix qui m’émeut et me donne envie de créer.
Comment vos matériaux, vos gestes, vos signes, vos choix, peuvent s’accorder à une langue, à un texte, à une pensée poétique ?
Cela se passe secrètement, on se laisse habiter par le texte, on le relit souvent, parfois avant de se mettre au travail, on y pense… ainsi, il devient cette autre voix qui se pose à travers des signes alors dessinés ou peints, d'autres traces sur le papier, que le manuscrit ou la typo. Ce travail de l’artiste n’est pas une équivalence et encore moins une illustration, car il faut être complètement libre par rapport à lui. Le texte est une forme de murmure vers lequel on se réfère intuitivement. On tente des rapprochements de signes parfois, des équivalences comme des coups de pinceaux faisant goutta, tache, mouvement, pour retrouver quelque chose d’une murmuration d’oiseaux, par exemple. Et puis, « ut pictura poésis » depuis bien longtemps : « la peinture est comme la poésie ». Constat qui n’est pas seulement à prendre au niveau du sens premier, intelligible, celui de l’istoria, mais en le retournant : « La poésie est comme la peinture », soit l’expression humaine la plus voisine du dessin et par extension, de la peinture. Le dessein avant le dessin est cette pensée grande ouverte, flottante, qui peut saisir quelque chose du poème, trace elle aussi fulgurante et tout aussi ouverte. Les deux s’inscrivent ainsi dans un flottement de découverte ou de vive saisie. Le livre d’artiste est sans doute un objet où l’on tente à chaque fois de remonter aux sources du langage, avant la séparation du dessin et de l’écriture… bien avant encore, juste au moment où la parole est apparue et s’est constituée comme un langage, pas seulement en tant que cri énonciateur, ou même mot ; mais en tant que vraie désignation ou authentique représentation verbale, si proche en cela du dessin. Soit, au moment où se réalisaient les premières représentations humaines avec des signes géométriques et tout un bestiaire réaliste, la main en empreinte marquant le tout. La force représentative a surgi dans le dessin et la parole. Comme désir de saisir enfin quelque chose du monde. Elle s’est inscrite, sans doute, dès le départ entre ces deux expressions devenues possibles.Jacquie Barral, entretien avec Valentine Oncins - novembre 2024
Catalogue édité en 2025 par les éditions PLI, pour le Manoir des livres.
Textes de Dominique Baqué, Valentine Oncins
64 pages • broché • 22€
22 cm x 28 cm
ISBN : 978-2-9597876-0-7