Qu’est-ce qu’un livre d’artiste ? Un livre écrit par des artistes ? Un support d’oeuvre d’art ? C’est par ici pour en savoir plus…
« L’histoire du livre d’artiste a une double origine, relevant à la fois de l’univers livresque et de la tradition picturale. Du livre il retient, d’une part, ce qui caractérise l’objet, soit la forme du codex (le déroulement linéaire, spatial et temporel qu’elle implique), les qualités physiques et l’anatomie, dont l’appellation des composantes est particulièrement anthropomorphique1. D’autre part, il retient également ce qui définit conceptuellement le livre : sa vocation de support informationnel, de contenant subordonné à un contenu. En ce qui a trait à l’histoire de l’art, le livre d’artiste s’inscrit dans une longue tradition liée à l’embellissement des volumes. La portion artistique du livre fut d’abord subordonnée au texte, n’ayant qu’une fonction purement décorative dans les enluminures pratiquées par les moines du Moyen Âge. […] Avec la Renaissance et plus tard les Lumières, le livre dit « d’artiste » adopta plutôt une fonction illustrative.[…] Par la suite, le mariage du livre et de l’art est devenu fusionnel par l’arrivée d’un nouveau genre : le livre d’artiste. Les artistes visuels du 20e siècle […] utilisent tantôt le livre comme concept, tantôt comme objet formel. Après des siècles de servitude, l’art dans le livre aspire à ne servir d’autre fonction que la pensée plastique de l’artiste-auteur, rejetant en bloc les diverses fonctions extérieures (décoratives, illustratives, documentaire…) qui lui ont jadis été imposées. La création de livre d’artiste devient une pratique autonome artistique en soit, comme l’est la peinture ou la sculpture ».
Isabelle Jameson, « Histoire du livre d’artiste » 2005 : Lien vers l’article
« Le livre d’artiste n’est pas un livre d’art.
Le livre d’artiste n’est pas un livre sur l’art.
Le livre d’artiste est une œuvre d’art. »
Guy Schraenen
« Un livre d’artiste est une œuvre d’art à part entière, un objet de collection, une pièce unique en général, ou existant en série limitée à très peu d’exemplaires, tous numérotés. Ce genre de livre ne fait pas l’objet d’une publication par un éditeur et n’est donc pas soumis aux contraintes typographiques et aux règles conventionnelles de l’imprimerie, formats, mise en page, polices, marges, etc. : il sort tout droit de l’atelier d’un artiste. Il ne s’agit ni d’une œuvre d’art appliqué ni d’un livre de bibliophilie à tirage limité, rare, fait à la main, ni d’un livre d’art, où l’iconographie à caractère artistique occupe une place prépondérante par rapport au texte. Les créateurs de livres d’artistes […] peuvent s’adonner à leur thématique en laissant libre cours à leur inspiration et à leur imagination. L’absence de règles et le fait que le livre n’est même pas destiné à une lecture traditionnelle donne à l’artiste toute latitude pour inventer forme, taille, aspect, contenu. Le livre d’artiste n’a pas comme but de diffuser un contenu, – illustration ou texte –, son propos fondamental est de « parler » et de communiquer avec le spectateur par son apparence, ses symbolismes, comme le fait une œuvre d’art. Sa taille peut varier de la miniature au gigantisme. Il peut prendre les formes les plus diverses, des formes carrées ou rectangulaires, allant de la géométrie plane à la géométrie dans l’espace, ou même des formes absolument étrangères à ce qu’évoque d’ordinaire l’idée de « livre » et se présenter ainsi par exemple sous l’aspect d’une vaste installation. Les pages sont parfois reliées entre elles de manière à produire de longues bandes formant des plis parallèles à la façon d’un soufflet d’accordéon, ‒ c’est le fameux « leporello » ‒, ou bien, au lieu d’être rattachées les unes aux autres, elles sont juxtaposées. Et fréquemment, elles sont percées, trouées, gravées, peintes, écrites, découpées, etc ».
Karapidakis, Louisa. « Le livre d’artiste contemporain », Études Balkaniques, vol. 24, no. 1, 2020, pp. 347-367. Lien vers l’article.