Pour la 2ème édition de sa résidence de création, l’Archipel Butor a la chance d’accueillir à Lucinges Dominique Sampiero et François Andes.
Nous leur donnons la parole pour faire connaissance !
Dominique Sampiero
Je suis né dans l’avesnois en 1954, région de bocage du Nord de la France.
Poète, romancier, scénariste, auteur jeunesse et de théâtre (Tchat Land / Le bleu est au fond), réalisateur de vidéos et de courts métrages (La dormeuse / On est méchant avec ceux qu’on aime), j’explore la création littéraire. J’obtiens une première consécration de mon écriture poétique avec La vie Pauvre (Prix Max Pol Fouchet. Ed. La différence, 1992) et de mon écriture romanesque avec Le rebutant (Prix du roman populiste. Ed Gallimard, 2003). J’ai reçu le prix Robert Ganzo (Étonnants voyageurs) pour La vie est chaude et l’ensemble de mon œuvre en 2014.
Mon expression parcourt différentes formes d’écriture en restant fidèle aux personnages et aux thèmes de mon univers poétique : les vies lumineuses et minuscules mais aussi les sites fondateurs de la région du Nord et de la France en général : le paysage comme utopie.
En 1998 et en 2004, j’écris deux scénarios sur des sujets sensibles, l’école et l’adoption : Ça commence aujourd’hui (Prix international de la critique à Berlin) et Holy Lola, réalisés par Bertrand Tavernier. Le scénario de Fils unique a été réalisé par Miel Van Hoogembent en 2013 et a reçu le prix du jeune regard au festival d’Arras. En 2016, les éditions La Rumeur Libre ont publié le premier tome de mon œuvre intégrale, deux autres volumes sont à venir. Les éditions Gallimard jeunesse ont publié un récit écrit lors d’une résidence avec des enfants en difficulté scolaire : La petite fille qui a perdu sa langue.
Depuis août 2020, la galerie L’ESPACE DU DEDANS, 28 rue de Gand à Lille, présente un ensemble de mes œuvres du papier et certains de mes 34 livres d’artistes publiés comme éditeur.
Je suis membre de l’académie des César depuis 2002.
François Andes
Je vis et travaille à Lille.
En 2015, j’ai été artiste en résidence à Mons, Capitale Européenne de la Culture. Artiste « Coup de Cœur » du salon international du dessin contemporain DDessinParis17, j’ai été invité dernièrement en résidence artistique à l’Institut Français de Tétouan, à la Villa Saigon au Vietnam, au Musée Bispo do Rosário Art Contemporain de Rio de Janeiro, et, à la With Artist Foundation en Corée du Sud. En 2019, j’ai réalisé le scénario et les costumes du spectacle BWV 988 : Trente possibilités de transgression, présenté au Teatro Plínio Marcos de Brasília (Brésil). En 2020, mon travail a été présenté à la Quynh Gallery à Ho-Chi Minh Ville au Vietnam et au Centre Culturel Coréen à Paris.
Mon œuvre est aussi le sujet en 2021 d’expositions monographiques au Musée Oscar Niemeyer de Curitiba ainsi qu’à la galerie Celma Albuquerque à Belo Horizonte au Brésil, à la Bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen et, en 2022, au Centre d’Arts Visuels le Labanque en France.
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DS : J’ai toujours été sensible à l’œuvre de Michel Butor. Nos chemins se sont croisés quand il est venu, invité par une association, se rendre à Mons-en-Barœul où il était question, à l’époque, de donner son nom à une médiathèque. J’espère relancer le projet pour l’anniversaire de ces 100 ans en 2026. J’ai été influencé par son rapport à la calligraphie dans son approche du livre pauvre ou du livre d’artiste. Avec Gérard Duchêne, il est la deuxième personne à m’avoir influencé dans ma recherche d’une calligraphie pour ma série : Le poème passe à travers. Puis la seconde série : Poème lisible par moi seul. Il y a eu une époque où les poètes recopiaient leur poème sur le livre d’artiste, et ça devenait un peu systématique donc agaçant. J’ai voulu me démarquer en inventant ce que j’ai appelé : la texturation. Se servir de l’écriture comme le faisait Christian Dotremont dans le groupe Cobra comme élément plastique. Mais personnaliser ma recherche. Bernard Dumerchez, un des plus importants éditeurs de livre d’artiste en France, a été le premier à prendre au sérieux mon travail et a publié plusieurs livres avec cette recherche dont : PIPER MOT.
FA : Je suis le travail de Gaëlle Callac et ainsi j’ai découvert la résidence de l’Archipel Butor.
Quand Dominique Sampiero m’a contacté pour travailler sur un projet commun, je lui ai proposé de présenter notre idée à l’Archipel Butor. Je pense d’ailleurs que l’échange que j’ai, sur notre objet à venir, avec Dominique se retrouve de manière significative chez Michel Butor dans son intérêt pour la poésie et le livre manuscrit.
DS : J’ai lu beaucoup de poèmes et de textes de Michel Butor et j’ai toujours apprécié sa façon de lier le poème à une œuvre visuelle. La modification reste pour moi un roman majeur qu’il m’arrive de relire. La modernité de son écriture et son approche de la poésie m’ont toujours stimulé. Son œuvre poétique est tellement dense qu’on n’en finit jamais de découvrir de nouveaux textes. Je suis heureux d’habiter « chez lui » pendant deux mois. Je vais essayer d’entrer en contact avec l’âme des lieux et peut-être l’énergie qu’il a déposé dans son lieu d’écriture. Je vais traverser l’illusion de lui parler pour inventer une conversation imaginaire avec lui.
FA : Je connais son questionnement sur le non livre, son travail réalisé avec des artistes visuels, son travail sur le livre objet et j’ai hâte de découvrir sa collection de livres d’artistes.
DS : Après des livres d’artiste avec plus d’une trentaine de plasticiens, c’est la première fois que je vais travailler avec François Andes. Nous avons scellé notre rencontre après la visite de sa magnifique exposition Les Rêves aquariums à Béthune grâce à Philippe Massardier, directeur du Lab Labanque et qui nous a mis en contact. Je lui ai envoyé une première ébauche de texte sur l’idée fascinante de la page blanche et de tous les espaces de désir qu’elle libère, qu’elle ouvre en nous. Il a pris le temps de lire et finalement de s’engager dans un projet avec moi.
FA : C’est la première fois, nous nous connaissons depuis deux mois ! Lorsque Dominique Sampiero m’a contacté suite à sa découverte de mon travail dans mon exposition Les Rêves Aquariums au centre d’art visuel le Labanque à Béthune, une rencontre a eu lieu entre nous et l’envie commune de développer un projet en binôme poésie, littérature / dessins, arts visuels est né. Dominique a proposé une piste de travail autour de l’idée de la page blanche, avec une vision gargantuesque, orgiaque, pas une angoisse du vide mais une fascination du sans limite. De notre dialogue initial est née notre proposition à l’Archipel Butor.
DS : Écrire, beaucoup écrire. Il est question pour moi d’un dialogue, d’un va-et-vient entre les dessins de François et mon écriture. J’ai besoin d’écrire tous les jours. J’ai des milliers de pages manuscrites et inédites qui constituent le corpus dans lequel je puise pour composer mes livres. Ce n’est pas vraiment un journal mais une accumulation de poèmes, de fragments, de sensations. Rapport au paysage, à la lumière, au silence, à la présence, et à toute manifestation, surgissement de l’imprévu. Mais aussi rencontrer, beaucoup rencontrer. Écrire pour moi c’est créer du lien. Ça donne de l’épaisseur et du sens à la vie.
FA : Intense, la résidence d’artiste permet d’allonger le temps de travail au maximum, dormir peu, le temps du dessin est lent, les échanges avec Dominique de nouveau, le temps du dessin et bien sûr les rencontres et ateliers, donc intense. Des rencontres aussi avec le territoire artistique et culturel local afin d’imaginer déployer notre projet puisque nous imaginons que ce livre d’artiste, réalisé pendant cette résidence, puisse ensuite devenir une installation, une exposition, un spectacle théâtral et chorégraphique, un film d’animation, …
DS : De la page blanche comme on dirait de la chair, du pur désir, de la ciboulette, de la patience, de la lumière et de la vastitude. Puis silence.
L’effondrement du corps réveillerait l’esprit au cœur de l’invisible, le lâcher prise, une fine écriture d’ortie tenant tête aux oiseaux, un élan aux parfums de fragrance boisée, nous serions les amants d’un peut-être plutôt que les lâches prévisibles de tous nos pouvoirs.
Faire chanter alors le baiser de la page blanche sur nos lèvres ressemblerait au sifflotement d’un petit matin, éclair qui ferme les yeux au loin, blotti derrière nos gestes, et ce ne serait pas la nuit, au contraire : nous cueillerons les suaves femmes nues des fleurs comme des présences, corps apprivoisés enfin par la beauté des surgissements.
Il y a tant d’espoir dans la page blanche, tant de naissances et de petites morts paisibles que la craindre serait comme imaginer le pire d’un mystère dont nous ne saurons jamais rien.
FA : C’est un travail qui s’apparentera à un palimpseste, un passage du mot à l’image et de l’abstraction à la figuration, un travail libre, le plus libre possible dans l’espace contraint du livre objet, ou la question du rapport entre le texte et l’image dans cet objet manuscrit apparaît comme essentielle, la complémentarité de l’image et de l’écriture.
DS : Les éditions de Corlevour (et la revue NUNC) dirigées par Réginald Gaillard vont publier en janvier 2023, avec une préface d’Alain Borer, un livre de poèmes écrits pour la première partie dans l’atelier du peintre Marc Feld, et, dans la deuxième, comme une réflexion sur notre rapport fantasmé, inquiet et orgiaque au mot, et dont le titre d’ensemble est : Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées.
Il est également question de la sortie d’un livre pour enfants aux éditions de la Boucherie littéraire : Le wagon qui ne voyage que la nuit avec des dessins de Zaü.
J’ai d’autre part en chantier, aux éditions Ici Nulle part que je dirige depuis sept ans, trois autres livres d’artistes sur lesquels les plasticiens sont en train d’intervenir :
Comportement du ciel et de la terre sous les pas du marcheur avec Cédric Carré ; La vie rêvée des arbres avec Isa Slivance, le musée de Nantes et Hugues Desserme, maître verrier qui nous a créé un étui en verre bombé ; et Gens de la fenêtre avec Johan Vaurs.
J’attends également avec impatience la sortie en novembre 2022 de l’anthologie de poésie assemblée par Philippe Torreton chez Calmann-Lévy à laquelle j’ai participé pour le choix des poétesses contemporaines.
Et enfin, la sortie en septembre 2023 aux éditions El Viso de Murmuration des signes, un livre consacré au peintre Jean-Marc Brunet avec texte critique, entretien et poèmes en écho à son œuvre.
FA : J’ai actuellement une exposition à la galerie Quynh à Ho Chi Minh Ville au Vietnam. A la galerie Héloïse à Paris, je suis en résidence de création pour mon film d’animation Le Détissage de l’Arc en Ciel au Studio Tchack en octobre avant de rejoindre l’Archipel Butor pour le début de notre résidence début novembre. Puis fin novembre, je serai en résidence au Centre d’Arts Visuels le Labanque au sein de mon exposition Les Rêves Aquariums avec l’artiste visuel brésilien Eduardo Hargreaves pour un dessin à quatre mains, projet de film animé.
En 2023, je serai au Brésil pour la suite des expositions de mon œuvre La Traversée du Désastre et rencontrer le poète Guillerme Gontijo Flores avec lequel je travaille sur les suites de notre projet intitulé Entre côtes dupliquées descend une rivière, pour qui.
L’année prochaine je vais également continuer de développer avec la poétesse Tal Nitzan et le pianiste Gustavo Carvalho notre projet Le Point de la Tendresse à Tel Aviv.