Artiste peintre, graveur et responsable des Éditions de la Margeride, il vit et travaille à Saint Gervasy, dans le Gard. Il est titulaire d’une maîtrise d’Arts plastiques de l’Université de Montpellier.
« Peintre, graveur, cet artiste exigeant et patient comme un vigneron secrètement alchimiste, est aussi éditeur de livres d’artistes, depuis qu’il a créé en 2001 « les Editions de la Margeride », nouant un dialogue exceptionnel avec les poètes, qu’ils soient de réputation internationale confirmée depuis longtemps comme Andrée Chedid, Michel Butor, assurent la relève des premiers par l’ampleur et la qualité de leur œuvre comme Bruno Doucey, Salah Al Hamdani, Sabine Péglion, ou appartiennent à de nouvelles générations plus que prometteuses, comme Felip Costaglioli ou Estelle Fenzy.
Il faut d’ailleurs souligner la générosité avec laquelle, loin de s’en tenir aux poètes consacrés, Robert Lobet sait ouvrir les portes de sa maison à ceux dont la rencontre éveille en lui une résonance suffisamment intime pour que s’éveille et se concrétise le désir d’une collaboration, même si les noms de ses invités sont parfois encore confidentiels. C’est en poète qu’il est lui-même, par le cœur et l’esprit, autant que la création artistique, qu’il sait les reconnaître et engager avec eux le long processus conduisant à la naissance d’un livre. »
Extraits de l’article paru sous la plume de Marc-Henri Arfeux dans la revue Rumeurs n°7, parue en juillet 2020 aux éditions de La Rumeur Libre.
Le travail sur le livre prenait de plus en plus d’importance (À la suite de mes nombreux séjours de travail en Égypte auprès de la Bibliothèque d’Alexandrie). Je faisais des livres-objets, puis des éditions de bibliophilie, souvent en collaboration avec des éditeurs et des imprimeurs d’art, et comme ça n’allait pas assez vite à mon goût, et que je recherchais plus de marge de liberté, de créativité, je suis devenu mon propre imprimeur. Parallèlement je voulais que ces textes magnifiques (ceux de mes auteurs) soient connus et partagés plus largement. Donc j’ai travaillé sur ce concept et j’ai créé la collection « Passerelles », des livres d’artiste, de la meilleure qualité possible et au moindre coût. Certains collègues éditeurs n’ont pas compris au début, maintenant d’autres font de même, car le public apprécie et les auteurs aussi. L’envie de travailler avec des auteurs s’est imposée et a commencé de prendre corps à travers trois auteurs marquants, René Pons, Salah Stétié et Andrée Chedid. Une fois ma timidité surmontée, je me suis rendu compte que ces personnes étaient ravies de travailler avec mes œuvres, et que cela se passait très bien, avec beaucoup de simplicité. La rencontre avec les poètes s’est faite, comme souvent, par des successions de beaux hasards qui ont permis des rencontres souvent décisives : J’ai connu Andrée Chedid par le centre culturel égyptien à Paris, Salah Stétié lors d’une conférence à Rousson, dans le Gard. Il m’a dit : « Revenez demain », je suis revenu ! Butor par des rencontres et des amis, René Pons lors d’une exposition. Beaucoup d’autres lors des festivals de Lodève et Sète, deux festivals auxquels je dois beaucoup ainsi qu’aux organisateurs qui soutenaient mon travail. Et puis, je travaille sans cesse, comme un dingue… » (Blog « La pierre et le sel – Actualité et histoire de la poésie).
« Le principe en est simple : chaque exemplaire, même dit d’édition courante – par contraste avec les tirages de tête – propose des œuvres originales et non de simples reproductions comme c’est souvent le cas dans ce domaine éditorial très particulier, si bien que tout lecteur a la possibilité de vivre une aventure esthétique complète à un prix abordable, les Editions de la Margeride rompant délibérément avec la logique du livre de luxe réduit à un nombre très restreint d’exemplaires – certes le tirage reste circonscrit à une échelle artisanale, sans quoi l’artiste ne pourrait assumer la tâche qu’il se donne, mais il est plus ouvert que ce que ce qui se pratique généralement. Fondé sur le principe de l’intuition révélatrice, le choix de Robert Lobet obéit à une entière liberté qui garantit une cohérence poétique personnelle, mais ne suit pas vraiment une ligne éditoriale fixant d‘avance des critères et un climat d’ensemble. Robert Lobet commente ainsi cette pratique autonome articulée par le dialogue : « J’ai des thèmes en tant que créateur, une sensibilité, des outils techniques, des coups de cœur. Je sens très vite si je dois me lancer dans un projet. A la lecture du texte je sais très vite ce que je peux faire ; parfois ça change complètement en cours de route car j’improvise. Pas de conception bien précise, je laisse venir, je suis ouvert, j’écoute, j’apprends, j’observe et j’essaie d’entrer dans l’univers de l’auteur en lien avec mes propres registres de création et mes techniques. Et si besoin, je m’adapte, privilégiant la relation de confiance, de respect, de qualité. Je donne et je reçois beaucoup. Souvent au bout de quelques lectures je sais « presque » tout ce que je veux ou peux faire : format, images, mode d’impression ».
Extraits de l’article paru sous la plume de Marc-Henri Arfeux dans la revue Rumeurs n°7, parue en juillet 2020 aux éditions de La Rumeur Libre.
J’ai rencontré Michel Butor en 2006 grâce aux auteurs d’un documentaire sur ses livres-objets. Cette thématique ne pouvait que m’attirer. Michel Butor était intéressé par mes contacts et résidences en Égypte où il avait enseigné longtemps auparavant. Notre premier ouvrage en commun fut Les vivants et les morts, paru en 2007. Ensuite ont suivi : L’oiseau dans la tourmente, 2008 (Avec les éditions de Rivière), Le puits des siècles, 2010, Sous-bois, 2013, Paroles Gelées, 2015. Des ouvrages dans des styles très différents, chacun recevant une réponse attentive et adaptée au thème proposé. Pour Paroles gelées, inspirées du Quart livre de Rabelais, j’ai imaginé un livre d’artiste composé avec douze mots représentatifs de l’univers de l’auteur. Exercice délicat dont le résultat est très juste et émouvant, avec seulement douze mots…
A la suite de divers échanges par courrier, le thème étant choisi, Michel Butor envoyait un texte et laissait l’entière liberté de travailler dessus. Je ne me souviens pas, pour aucun de mes livres, avoir indiqué dans quel sens j’allais travailler. Moi-même ne le sachant guère, car c’est en lisant et en s’imprégnant du poème que se construit l’idée de ce que sera le livre à venir. Lorsque j’ai créé Les vivants et les morts, à la réception du texte, j’étais très ému car ce poème restituait à la perfection ce que je venais de ressentir au cours de mes nombreux séjours (une quinzaine) à Alexandrie. A cette époque, en 2006/2007, j’avais l’ambition de réaliser pour chaque livre nouveau, un livre objet, un tirage de tête, et une édition plus modeste, ce qui est devenu plus tard la collection « Passerelles ». Je me suis vite rendu compte que cela nécessitait un travail considérable et j’ai dû renoncer. Je me souviens que lorsque j’ai apporté les livres à signer à Michel Butor, je me suis demandé où il allait installer dans son bureau surchargé de livres, documents et d’œuvres diverses le livre objet que je lui apportais. Il a accepté avec la gentillesse que je lui ai toujours connue mais avant toute chose, il a pris soin d’installer ma fille, alors âgée de 12 ans, à son bureau, avec des feuilles et des crayons, pour qu’elle puisse dessiner et s’occuper pendant notre entretien.
Par la suite, nous avons correspondu au fil des années et des projets, et j’ai reçu les fameuses photos découpées et augmentées d’adhésifs d’électricien avec lesquels il composait ses cartes postales.
Je travaille sur de nouveaux projets de livres d’artiste. Au fil des années le nombre augmente régulièrement, avec des poètes déjà publiés aux Éditions de la Margeride et de nouveaux auteurs dont l’écriture m’intéresse. Les nouveaux livres comportent plus d’images que ceux qui ont précédé. J’éprouve le besoin de me surprendre, de me faire plaisir et de partager cela avec l’auteur et les lecteurs. Je constitue depuis ce printemps si particulier une série de carnets de notes de recherches ou d’ateliers. Comme un besoin de structurer les nombreux travaux qui s’accumulent à l’atelier, les essais, les dessins, et même les macules d’imprimerie car certaines sont très belles et poétiques. Je suis toujours fasciné par la lettre, le mot, le palimpseste des écritures embelli par le hasard des manipulations lorsque j’imprime. En parallèle, je fais de plus en plus de dessins, sur le motif lorsque je suis en voyage, et à l’atelier ; des monotypes, de la peinture. J’essaie de ne pas trop me disperser mais je suis curieux de beaucoup de choses, ces techniques différentes nourrissent mon travail sur les livres, et il y a tant de choses à découvrir.